Pourquoi des femmes ne sont pas féministes
Tranquillement pas vite (pour le dire avec optimisme), on
assiste à une prise de conscience sur la difficulté pour un homme d’être
proféministe. Certains commencent à comprendre qu’agir de façon cohérente avec
des valeurs féministes est loin d’être naturel (désolée Koriass!), facile,
évident, lorsqu’on a été socialisé à exploiter et à dominer. Mais qu’en est-il
pour les femmes? Être féministe, est-ce que ça va de soi? C’est une question
qui parait particulièrement actuelle alors que la ministresse de la Condition
féminine québécoise Lise Thériault a ébahi les réseaux sociaux avec son
affirmation selon laquelle elle n’était pas féministe, mais égalitariste. Il
est bon de voir que beaucoup sont choqué.e.s par une telle prise de position
antiféministe; il ne faut toutefois pas présumer qu’être une féministe soit une
évidence.
Deux principales raisons expliquent l’existence de femmes
antiféministes.
1)
La misogynie internalisée
Toute leur vie, les femmes entendent, apprennent et se font
répéter leur infériorité. Elles sont faibles dans les films, absentes dans les
livres d’histoire, invisibles dans les politiques, exploitées dans les ménages…
Ce n’est pas pour rien que les féministes s’opposent aux représentations
sexistes : elles sont malheureusement très efficaces. Alors, bien sûr, on
finit par y croire. On apprend qu’on ne mérite pas grand-chose, ce qui nous
pousse à nous contenter de salaires inférieurs, de relations peu satisfaisantes
et d’une reconnaissance ténue. Bref, on apprend à se contenter de notre sort,
jusqu’à l’avoir normalisé au point de ne plus voir le sexisme. Voilà comment
des femmes peuvent apprendre à être antiféministes.
2)
Le compromis patriarcal
Heureusement, de nombreuses femmes parviennent à être
critiques de l’éducation patriarcale qu’elles ont reçue et à désapprendre la
misogynie, ce qui fait généralement d’elles des féministes. Mais un problème
demeure, puisque le féminisme n’est pas qu’une idéologie : il est aussi un
mode de vie. Les actes doivent suivre les pensées. Or, agir de façon féministe
est extrêmement couteux pour une femme. Contrairement aux hommes proféministes
constamment adulés sur les réseaux sociaux, les femmes féministes risquent par
leur engagement d’être ciblée par des harceleurs (aussi connus comme trolls) masculinistes.
Les femmes qui prennent la parole contre le machisme craignent d’être
renvoyées, attaquées, méprisées ou même assassinées. Lorsqu’on le peut, on fait
fi de ces risques au profit de nos convictions les plus fondamentales. Parfois,
cependant, on ne peut se permettre notre activisme, pour toutes sortes de
raisons qu’il ne m’appartient pas (et, cela va de soi, qu’il n’appartient à
aucun homme) de juger. C’est là qu’intervient le compromis patriarcal, qui
consiste à profiter temporairement des règles patriarcales à notre avantage.
Cela peut paraitre incroyable qu’une féministe tournerait le dos à ses valeurs
et que le patriarcat lui donnerait un coup de main en retour, mais ça arrive
constamment. Lorsqu’on se résigne à porter du maquillage parce que le Bâton
Rouge menace de nous renvoyer sinon, lorsqu’on laisse passer une blague sexiste
parce qu’on a besoin de se faire des ami.e.s, lorsqu’on critique le physique d’une
autre femme pour rendre le nôtre acceptable… Les exemples ne manquent pas.
Parfois, on fait un calcul coût-bénéfices. Parfois, on est simplement épuisées.
Pourquoi c’est
important
Ainsi, il est erroné de prétendre que toutes les femmes sont
féministes. Mais il ne s’agit pas simplement d’une erreur bénigne. Cette pensée
magique a deux conséquences problématiques, dont le problème est de dépolitiser
le féminisme. Si « tout le monde est féministe », forcément, le
féminisme ne signifie plus rien. Une proposition ne gagne un accord consensuel
que lorsqu’elle est inscrite dans le statu quo. Si le féminisme a pour vocation
de changer les choses, il y a nécessairement des gen.te.s qui s’y opposent.
Dans l’alternative, le féminisme n’aurait pas de raison d’être.
La deuxième conséquence problématique est l’invisibilisation
du travail acharné et parfois dangereux que réalisent tous les jours les
féministes. Je ne prétends pas que toute féministe doive être prête à risquer
sa vie pour la cause, ni que le féminisme se mesure à la hauteur de nos
sacrifices. Mais toutes les féministes réalisent de tels sacrifices, et la
prétention que toutes (voir que tous!) sont féministes les réduisent à néant.
Bref, aussi choquante soit-elle, l’existence de femmes
antiféministes n’est ni réfutable, ni inexplicable. Ce qui ne nous empêche pas
de tenter de les faire changer d’avis!
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