Trois choses plus probables que d’être faussement accusé de viol
L’autre jour, à l’heure du souper, ma
famille parlait de harcèlement sexuel par des professeurs sur des élèves. Bien
que je ne m’en souvienne pas précisément, c’est certainement moi qui ai amené
le sujet – causant un état diffus de surprise : vraiment, les profs font
ça? La conversation a rapidement bifurqué vers une observation d’une des
personnes assises à table (toutes des professeur.e.s) : « aujourd’hui,
tous les profs laissent toujours la porte ouverte quand ils rencontrent une
étudiante, pour éviter d’être accusés d’harcèlement sexuel ». Vraiment? Est-ce
qu’on en est réellement rendu là? D’abord, à penser que le harcèlement sexuel
est si simple à démasquer (ou à démentir); ensuite, à se préoccuper davantage
de la réputation des professeurs que de la sécurité des étudiantes?
[Description d'image: devant un paysage d'une forêt enneigée, on voit une poteau avec deux pancartes rectangulaires du type de celles qui indiquent les noms des rues. Celle du haut indique "true" (vraie) et pointe vers la droite. Celle du bas indique "false" (fausse) et pointe vers la gauche. Le texte est en bleu.]
Cet article s’adresse à tous les hommes qui
craignent d’être un jour faussement accusés de viol ou de harcèlement sexuel.
Une petite mise en contexte s’impose : cette peur est irrationnelle et
socialement construite. Elle est l’un des nombreux produits dérivés de la
culture du viol. Elle est d’autant plus discutable que même les hommes accusés
de viol s’en sortent la majorité du temps sans conséquences. Être accusé de
viol, à tort ou à raison, est donc loin d’être la tragédie que plusieurs hommes
s’imaginent. Mais bon : les peurs ne disparaissent pas simplement parce qu’elles
sont irrationnelles (eh oui, les gens ont
peur des araignées). Je trouve plus efficace de les remplacer par d’autres
peurs, plus logiques et surtout plus productives. Rassurez-vous, mon but n’est
pas de terrifier à jamais les pov’hommes (quoique…).
Il s’agit plutôt de faire comprendre que, pour un homme préoccupé par son
propre intérêt (et qui n’a pas l’intention de violer), la solution la plus
logique est encore de lutter contre la culture du viol. Voilà donc, pour vous « rassurer »,
trois choses plus probables que d’être faussement accusé de viol.
1)
Violer
Ça parait évident pour les féministes, mais
il vaut la peine de rappeler que, lorsqu’on entend qu’une femme « accuse »
un homme de l’avoir violée, l’explication la plus probable (de très, très, très
loin) est qu’il l’a effectivement violée. On estime à 2% (on voit parfois aussi
2 à 8%) les cas classés comme de « fausses dénonciations », un taux
comparable à ceux d’autres crimes. Pourtant, lorsque j’ai raconté à des ami.e.s
qu’on m’avait volé mon sac à main, personne ne s’est demandé si j’avais inventé
toute l’histoire pour attirer l’attention… Il faut aussi comprendre que ces 2% incluent
les cas où une plainte est retirée. Bien sûr, cela est loin de signifier que l’accusation
était fausse. Pensons simplement au contexte de violence conjugale : il
est très facile, pour le violeur (ou même la famille) de mettre pression sur la
victime pour qu’elle retire sa plainte. Cela ne la transforme pas en mensonge.
Les cas comptés comme des fausses accusations peuvent également inclure les
mauvaises identifications, c’est-à-dire que la femme a effectivement été
violée, mais qu’elle a identifié le mauvais suspect. L’homme concerné est
peut-être innocent, mais le viol n’a encore une fois pas été inventé.
Lorsqu’on tient compte de ces observations,
il est facile de comprendre pourquoi les féministes présument toujours que les
dénonciations de viol sont véridiques. Pourquoi en douter? Non seulement les
fausses accusations sont rares, mais en plus le viol est ridiculement fréquent!
Des dizaines de femmes de mon entourage m’ont raconté avoir été violées. Il n’y
a rien là de difficile à croire.
Suppose que tu voies des gens entrer dans
le bâtiment où tu te trouves avec des parapluies. La conclusion logique est de
déduire qu’il pleut. Bien sûr, toutes ces personnes pourraient être en tournage
pour un film situé dans un monde où les gens portent des parapluies lorsqu’il
ne pleut pas – mais est-ce vraiment l’explication la plus probable? Lorsque
plusieurs explications sont envisageables, il est logique de présumer que la
plus probable est l’explication pertinente.
Là, vous pourriez me dire : « D’accord,
je comprends que les féministes croient les femmes qui dénoncent un viol… Mais
moi je le sais que je ne suis pas un violeur! Si je suis accusé de viol, je
saurai que c’est faux mais personne ne me croira! » (Vous voulez dire :
certaines féministes ne me croiront pas, mais passons).
Eh bien, le raisonnement s’applique même si
vous ne pensez pas être un violeur. Il y a en effet deux types de violeurs :
ceux qui violent délibérément, et ceux qui ne comprennent pas (et ne se
préoccupent pas de comprendre) le consentement. Je vous propose de considérer
que, même si vous – le plusse bon gars de
tous les bons gars – êtes accusé de viol, il est plus probable que vous
ayez porté atteinte à son consentement sans vous en rendre compte, plutôt qu’elle
fabule.
[Description d'image: infographie en tons de beige de "The Eleven Project" présentant un carré formé d'environ 1000 bonhommes représentant des violeurs. Différentes couleurs permettent de représenter la toute petite proportion de ceux-ci dont le viol est rapporté (100), qui sont soumis à un procès (30), et qui son mis en prison (10). Deux bonhommes colorés en noir représentent les hommes faussement accusés de viol. On voit donc que le plus probable, pour un violeur, est de ne vivre aucune conséquence.]
2)
Une femme proche de vous est violée
Il y a quelque chose de fondamental que
certains hommes qui participent à la culture du viol ne semblent pas
comprendre. Lorsque vous refusez de confronter la culture du viol, vous
protégez certes votre privilège de violer à votre guise, certes, mais vous oubliez de
considérer que d’autres hommes utiliseront ou ont utilisé ce même privilège pour
violer votre mère, votre femme, votre fille, votre sœur…. En raison du faible
taux de cas rapportés à la police, il est très difficile d’évaluer précisément
quel pourcentage des femmes sont violées. Il est cependant certain qu’il s’agit
d’une proportion importante. Les statistiques avancent souvent des chiffres avoisinant
les 25%, mais tendre l’oreille nous amène rapidement à considérer que 75% serait
sans doute plus exact. Quoiqu’il en soit, il est beaucoup plus probable qu’une
femme que vous aimez soit violée, plutôt que vous soyez faussement accusé de
viol : ne vaut-il pas la peine, dans ce cas, d’adopter une perspective
pro-survivantes?
Je ne suis pas fan de la rhétorique de « ça
pourrait être ta fille ». Je ne vois pas pourquoi les hommes devraient se
foutre complètement que je sois violée et s’intéresser au problème seulement
quand il touche leur famille. Malgré tout, je crois que, dans ce contexte, il s’agit
d’un outil puissant pour inviter les hommes qui pensent bénéficier du bouclier
de la culture du viol à revoir leurs priorités.
3)
Être violé
Bien que la grande majorité des victimes d’agression
sexuelle et d’autres crimes à caractère sexuel soient des femmes et des filles,
des hommes et des garçons en sont aussi victimes (ils sont généralement violés
par un autre homme). Même si personne n’aime s’imaginer qu’iel sera un jour victime
d’un tel crime, il faut être réaliste. Il est bien plus probable que vous soyez
vous-même violé plutôt que faussement accusé d’un viol. Vos propos teintés par
la culture du viol pourraient bien se retourner contre vous. Pourquoi ne pas
plutôt vous empresser de combattre le patriarcat et la culture du viol?
En
conclusion
J’espère vous avoir convaincu que, même si
vous êtes un homme, participer au mythe des fausses accusations de viol est
contre-productif, pour ne pas dire dangereux. Choisissez donc de vous informer
sur la culture du viol et de la combattre activement : même si vous n’avez
absolument rien à foutre des milliards de femmes qui seront violées au cours de
leur vie, vous agirez tout de même de façon logique considérant votre réalité
personnelle. Il n’y a aucune raison, à moins d’être et de vouloir être un
violeur, de défendre l’idée selon laquelle les fausses accusations de viol
sont répandues au point de constituer un phénomène social. C’est ce constat
qui m’a amené à une conclusion fort pratique dans un autre de mes articles,
intitulé Allo! J’ai décidé que tu étais un violeur. Si vous avez aimez ce
texte, je vous invite à le lire également en cliquant ici.
Si
vous avez aimé ce texte et que vous pensez que des hommes dans votre entourage
pourraient bénéficier de sa lecture, n’hésitez pas à le partager dans vos
réseaux!
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Inspiration de cet article: https://www.buzzfeed.com/charlesclymer/5-things-more-likely-to-happen-to-you-than-being-f-fmeu