Petite recette pratique pour répondre à une accusation de sexisme (calling out)
Difficulté : 0, il suffit de suivre la recette
Durée : 5-10 minutes
Nombre de personnes : infini – idéal pour les conversations sur
Facebook
Un soupçon
d’humilité
500 g de
bonne volonté
3 tasses
de privilège checké finement
500 mL
d’effort
Une pincée
de politesse
Allergies :
Convient aux personnes
intolérantes au mansplaning.
La recette peut éventuellement
s’adapter pour accommoder des personnes intolérantes au whitesplaining, à
l’hétérosexisme, au capacitisme et au cissexisme.
Instructions :
1) Ne préchauffez pas le four
Être accusé de sexisme
peut blesser votre orgueil, surtout si vous considérez moralement
irréprochable, un « allié » ou encore une personne qui
« comprend bien » le sexisme.
Ne répondez pas
immédiatement pour éviter d’être dominé par vos émotions de gars :
patientez quinze minutes où jusqu’à ce que le plat soit à température ambiante.
2) Dans un grand bol, mélangez l’humilité et la
gratitude
Remerciez la personne
qui vous fait remarquer votre comportement oppressif. Le calling out est souvent risqué, fastidieux, et peu gratifiant. La
personne qui prend le temps de le faire s’expose aux remarques machistes (que
vous ne ferez pas puisqu’elles ne figurent pas à la liste des ingrédients) et
vous consacre de son temps précieux.
Par ailleurs,
remercier la personne pour son intervention permet d’éviter de vous positionner
dans la posture d’un adversaire sur la défensive.
3) Triez le bon du mauvais grain
Désolidarisez-vous des
commentaires mecspliqueurs qui se seront multipliés pendant votre période de
refroidissement, en particulier ceux qui se portent à votre
« défense » en reprochant à « l’accusatrice » d’inventer
des problèmes, de voir le mal partout, de n’avoir rien compris, de faire des
grosses histoires avec un rien ou d’être hystérique.
N’« aimez »
pas ces commentaires, exprimez explicitement votre désaccord et/ou
« aimez » les commentaires de celles qui leur auront répondu en les
accusant à leur tour de sexisme.
4) Jetez un regard critique sur votre cuisine
Soyez honnête avec
vous-même : vous n’êtes pas un grand chef, mais plutôt une personne qui
aime cuisiner dans ses temps libres. Évitez donc les fausses représentations.
N’utilisez pas votre
prétendu statut d’allié comme contre-argument. Reconnaissez qu’il vous arrive
de faire des erreurs, malgré vos efforts pour être allié à la cause féministe.
Reconnaissez que de par votre statut privilégié, vous ne partagez pas la même
expérience que « l’accusatrice ». Reconnaissez la validité supérieure
du point de vue d’une femme – non, pas parce que les femmes cuisinent tous les
jours.
5) Ajoutez le reste des ingrédients
Si vous croyez que
l’accusation de sexisme vient d’une mécompréhension de vos propos, de votre
démarche ou de votre projet remis en question, expliquez le.a. Ajoutez un
contexte ou des clarifications à votre propos initial seulement si c’est
vraiment nécessaire (en présumant que votre « accusatrice » sait lire
et est intelligente). N’essayer pas de vous justifier ou de vous trouver des
facteurs atténuants. Précisez que vous voulez être certain que vous vous
comprenez bien. Vous pouvez demander à votre interlocutrice si c’était bien ce
qu’elle avait compris, si le propos attaqué est toujours aussi problématique.
Ne soyez pas
condescendant ou paternaliste.
Ne citez surtout pas
le dictionnaire.
6) Reconnaissez que votre plat n’a pas levé
Peut-être avez-vous
oublié la levure, peut-être avez-vous laissé le plat au four trop longtemps ou
abusé du sel. Toujours est-il que, bien que vous ayez eu l’intention de
préparer un délicieux met, le résultat a laissé un goût amer dans la bouche de
votre interlocutrice.
Reconnaissez votre
échec. Reconnaissez que malgré vos bonnes intentions, vous avez employé des
propos problématiques, que vous avez été maladroit, que vous avez fait erreur
ou que vous n’avez pas réussi à faire passer le message escompté.
Souvenez-vous qu’il
n’y a pas de « défense de bonnes intentions ».
7) Présentez vos excuses
Excusez-vous pour le
résultat : les bonnes intentions ne font pas le cuisinier!
Ne dites pas :
« je suis désolé si je t’ai
offensée », puisque vous savez que la personne a été offensée.
8) Faites la vaisselle en prévision de la
prochaine fois
Promettez de repenser
le projet, d’arrêter d’utiliser le mot ou de revoir la démarche problématique.
Et faites-le.
9) Réinvitez vos convives déçues
Si vous le désirez,
invitez votre interlocutrice à poursuivre le dialogue si elle en a le temps,
l’envie et l’énergie. Rappelez-vous : faire votre éducation lui est
fastidieux et est fait bénévolement. Vous ne pouvez pas exiger d’une femme
qu’elle discute avec vous – n’harcelez pas une personne qui refuse de
poursuivre la conversation.
Ne soyez donc pas trop
catégorique dans l’affirmation de votre volonté de poursuivre le dialogue – de
par votre position privilégiée, le « débat » vous est probablement
plus agréable, et un regard externe risque d’attaquer votre interlocutrice qui
refuse une invitation mielleuse et insistante à discuter.
10) Garder le sourire
Les recettes sont plus
difficiles à réussir qu’elles n’en ont l’air. C’est normal de faire des
erreurs. Terminez la conversation sur un sourire (J) ou une formule de politesse. Même de l’autre côté d’un écran, votre
interlocutrice est une humaine et mérite du respect (non pas que les
non-humain.e.s n’en méritent pas).
11)
Conservez
précieusement cette recette
Vous en aurez besoin encore. Et encore. Et encore.
Se tromper fait partie du processus d’apprentissage, qu’on parle de
cuisine ou de proféminisme. Répondre à une accusation de sexisme par de la
violence ou plus de sexisme est cependant inadmissible.
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